Le rapport entre les artistes et les mannequins
Alain Nahum
J’aimerais vous présenter le photographe français Alain Nahum qui s’est penché sur cette thématique dans son travail « Figuren », une série de 32 photos.
Au hasard d’une visite dans un entrepôt désaffecté, il a rencontré ces mannequins échoués, comme parqués dans un « camp de transit », hommes, femmes et enfants, piégés dans la lumière blafarde, muets et immobiles.
Véritables émigrés, forcés de quitter leur vitrine, attendant dans l’incertitude la plus totale, une nouvelle affectation porteuse d’espérance d’une vie meilleure. Le rapprochement avec les camp d’émigrés à travers le monde est troublant !
Alan Beeton
je vous propose de mieux connaître le photographe anglais Alan Beeton né en 1880 et mort en 1942 en particulier pour son travail avec son mannequin d’artiste androgyne.
Ce mannequin est pour Beeton un véritable compagnon, bienveillant et empreint d’une humanité surprenant, avec lequel il partage son atelier.
Ce mannequin en bois articulé, normalement destiné à aider l’artiste dans ses études morphologiques, n’est plus un accessoire de travail traditionnel, mais un objet doté d’une singularité, ayant le premier rôle dans les tableaux de l’artiste, ainsi il trône au milieu du tableau : « Reposing » peint en 1927.
L’œuvre d’ Alan Beeton ne peut pas être réduite à cet aspect unique, et doit être étudiée en profondeur, mais ce travail en particulier entre en résonance avec l’expo actuelle d’art+.
Pietro Annigoni
Peintre italien du courant réaliste, né en 1910 et mort en 1988, il a été également proche de ce mouvement « pittura metafisica » fondé en 1917 en Italie, mouvement qui cherche à représenter ce qu’il y a au-delà de l’apparence physique de la réalité.
Ici c’est le travail de Annigoni autour du thème du mannequin, alter-égo inanimé, que j’aimerais partager avec vous.
A approfondir sans délais !
Raoul Ubac
Rudolf Gustav Maria Ernst Ubach, alias Raoul Ubac est un artiste, photographe, peintre et graveur belge né en 1910 et mort en 1985.
Il participe avec, Hans Bellmer, Denise Bellon et d’autres artistes à une exposition internationale du Surréalisme qui se tiendra à Paris du 17 janvier au 24 février 1938, exposition organisée par André Breton un des théoriciens du mouvement surréaliste et le poète Paul Eluard.
D’objet du quotidien, le mannequin d’artiste perd sa fonction première d’outil et d’aide à la création pour devenir personnage singulier artistique.
Denise Bellon
Photographe française née en 1902 et morte en 1999, née Denise Simone Hulmann, elle est proche du mouvement surréaliste et ami de Salvador Dali ( 1904-1989).
Son œuvre est colossale, plus de 22 000 clichés, mais c’est bien sur quelques clichés autour du thème des mannequins d’artistes pris lors de l’exposition internationale du surréalisme de 1938 à Paris que j’aimerais partager avec vous.
Hans Bellmer
Photographe, graveur, peintre, franco-allemand, Hans Bellmer est née en 1902 et mort en 1975.
Il a construit son œuvre autour d’une poupée, « The doll », dans la période 1934 à 1939.
Il fera prendre les positions les plus « outrées » à cette poupée désarticulée, au gré de son univers obsessionnel peuplé de fantasmes érotiques, avant de la photographier.
Les postures de la poupées seront dès lors troublantes et dérangeantes.
Oscar Kokoschka
Peintre expressionniste né en 1886 dans l’empire austro-hongrois, mort en suisse en 1980, c’est un artiste britannique, également écrivain.
Intrigant, attachant, touchant, son histoire va j’en suis sûr, vous émouvoir.
Il tombe fou amoureux d’Alma Mahler en 1912 mais cela se finira par une rupture.
Pour la surmonter, Oscar fera confectionner à un fabriquant de poupées, un mannequin de bois, réplique exacte de son Alma adorée.
Il le promène, l’habille, va au théâtre avec lui, il devient un véritable partenaire de substitution.
Il le mettra en scène comme dans ce tableau « Autoportrait au chevalet » où l’on peut l’entrapercevoir.
Attendrissante et émouvante, cette histoire d’amour est finalement déroutante puisque dans un accès de colère il va détruire son mannequin de bois en le décapitant.
Stacy Leigh
Aujourd’hui, j’aimerais présenter le travail de Stacy Leigh, photographe new-yorkaise née en 1971.
Dans sa série de photos « Average Americans », elle présente ses poupées ultra-réalistes ( poupées des deux sexes), elle en possède 12, en silicone, qu’elle met en scène comme de vraies femmes ou hommes et le résultat est bluffant et touchant.
Nous sommes dans des univers proches de ceux de Cindy Sherman, ou de Tracey Emin, mais surtout, le travail de Stacy Leigh explore indéniablement les relations amoureuses avec des êtres « artificiels », relations déjà évoquées dans la chronique sur le peintre Oscar Kokoschka.
Quelles seront les relations amoureuses lorsque des êtres artificiels ultra réalistes seront disponibles et comment ne pas affronter les problèmes liés aux difficultés relationnelles, se toucher, s’embrasser qui sont notre quotidien en ce moment ?
Agnès Girard à écrit un livre » Un désir d’humain, les ‘love doll’ au Japon ». Ces objets, j’hésite à mettre des guillemets, ne sont pas de simples jouets sexuels, mais presque des objets d’art avec leur réalisme époustouflant, leurs expressions mélancoliques, leurs regards vagues.
Le concept de vallée dérangeante ou « uncanny valley », théorisé par le roboticien japonais Mori Masahiro est convoqué ici et le fait d’être mal à l’aise devant leur air si réel en train de nous observer est à approfondir.